Quelques mots en échos
aux sons de NÂR...
Peut-être que l’on finit par
s’habituer… peut-être que l’on accepte ce doute planant sur la réalité de
l’expérience qui nous secoue… on commence à percevoir des vibrations…
temporalités oubliés, réminiscence amniotiques de rythmiques prénatales...
l’image est une créature. Elle bouge.
Elle occupe un volume dans l’espace. Elle est vivante. La créature est
un corps. Le corps crie. Les vibrations deviennent musique… Ouvrir les yeux…
l’image disparaît… Fermer les yeux… la créature apparait…
Le son se glisse dans le mouvement. Parfois
on croit reconnaître des mots… peut-être Ginsberg ?... mais les langues se
mélangent, des membres jaillissent, se replient… des corps s’enchevêtrent. On
doute. Vision momentanément dédoublée ? Perception stroboscopique des
apparences ? Sensation muybridgienne du réel ? Alors que tout
s’amplifie, le plexus est traversé par un flux énergétique constant, des
paysages rêvés et véritables, fantasmés ou visités s’entrechoquent derrière nos
paupières fermées ou contre nos cornées humides… comment savoir ?
Le soleil sombre était deux étoiles
filantes. Ses contours cuivrés ont muté en éclats d’argents. Flammes organiques
incarnées par des danses ensorcelées. Poussière corporelle d’une musique
ensorcelante… Comme si l’existence de l’une comblait les possibilités non
réalisées de l’autre… La danse et la musique, l’air et le sol, le feu et l’eau,
les éléments, les corps, les astres, les matières, les idées, les rêves, les
souvenirs et les envies, les végétaux et les minéraux, tout ce qui a été nommé
ou pourrait un jour l’être, tout ce qui a été pensé, vécu, écouté et oublié...
Fusion télépathique de corps puissants et majestueux dans l’humidité brûlante
d’un éther inconnu… Une beauté inquiétante devient un malaise bienveillant…
tout se dissout... tout se disloque…
Au-delà des paysages oubliés… Les
sarabandes cosmiques défient la matière… Enfermant les mystères du monde dans
leurs sédiments secrets…
On
ferme les yeux…
l’image
s’estompe…
On
les ouvre…
des
corps sans ombres - à midi - sous un soleil sombre….
Dejan
Gacond, janvier 2020
NÂR – d’autres mots… d’autres échos…
Un drone d’une chaleur ample et
désertique se propage dans l’air quand l’archer touche les cordes du guembri,
puis s’enchevêtre à des couches rythmiques complexes aussitôt soutenues par un
jeu de guitare venu de nulle part et une voix puissante alternant entre l’arabe
et l’anglais. La guitare passe dans un ampli basse, décuplant ainsi les
textures superposées qui s’en échappent.
NÂR est le projet de la musicienne
libanaise Nadia Daou. Un projet qui peut prendre des formes variées selon les
artistes qui la rejoigne ou qui l’accompagne. Depuis sa rencontre avec la
danseuse Zora Vipera, elles fusionnent leur puissance énergétique et corporelle
dans une performance poétique et intense. Un voyage sonore ensorcelé et
ensorcelant dans lequel le corps devient une ondulation sonore… Une expérience
hallucinatoire qui fait prendre chair à l’invisibilité du son !
Les regards sont puissants et
infinis, sombres et lumineux, effrayants et bienveillants. On reconnecte avec
les esprits de la nature et de la matière. Un éther moite enveloppe les
spectateurs. L’aura de Nadia Daou et Zora Vipera déverse des flux énergétiques
impalpables aux corps qui assistent à leur performance. La danse et la musique,
les mouvements et les sons interagissent par télépathie, ils se nourrissent
mutuellement sans que l’un ne soit jamais une illustration ou un accompagnement
de l’autre.
Au départ elles incarnent une
créature commune évoquant des divinités enfouies, des polythéismes anciens ou
des planètes inconnues. La possibilité d’un dédoublement… l’histoire d’une
mutation… la lente dérive des corps… la fragile évanescence des flammes… Sur
nos rétines s’impriment à l’envers des images constituées de fragments rêvés et
de souvenirs vécus. Avec lenteur, avec précision. Une myriade de sensations
colorées mais indescriptibles s’emparent de nos êtres depuis les tréfonds de
leurs fondements. Les cultures s’entrecroisent comme nos repères chancèlent…
NÂR est une expérience, un voyage,
une transe… quelque part aux confins de l’inénarrable…
Dejan Gacond, janvier 2020
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