samedi 3 août 2024

Souvenirs errants d’un Kapharneum Komplex…


Souvenirs errants d’un Kapharneum Komplex…


(photo : Brigou, 2013)


La Tchaux is burning !... L’épaisseur rougeâtre des fumigènes, l’odeur insoutenable de pneus se consumant, des slogans scandés au mégaphone… En face de la mythique fontaine des Six-Pompes, un groupe de femmes et d’hommes encagoulés, vêtus en noir et portant d’épaisses lunettes de protection se dissimulent derrière leur barrière de feu… Trois lettres pourtant se détachent de la frénésie ambiante ; Z….A….D…. ZAD….. ZAD… trois lettres pourfendant le rideau de fumée… trois lettres projetées momentanément sur les surfaces qu’elles trouvent… Soudain tout disparaît, les femmes, les hommes, le bruit qu’ils génèrent… La ville retrouve son apparence habituelle, mais ses maisons tremblotent, ses habitants titubent, ses rues toussotent, ses trottoirs claudiquent… chacune, chacun tentant d’appréhender à sa manière le Karphaneum Komplex l’ayant traversé par son intensité éphémère…

 

Aucune idée précise de comment cela a commencé… Ok, c’était à La Chaux-de-Fonds, c’était pendant La Plage des Six-Pompes… ces deux informations n’amenant pas forcément une perception réaliste au souvenir, il faudra se contenter de sensations éparses et fragmentés… Au début on croyait être un public, une sorte de foule attendant pour un spectacle de rue… Pourtant nous étions les manifestants du vide… 

 

Assez rapidement, certains individus se démarquent des autres. Ils se déplacent avec une fluidité étonnante dans la foule. Ils évoluent par grappes coordonnées. L’un deux attirant le regard des gens pendant qu’un autre collent une affiche sur un mur… Soudain ; du son, du bruit, des projections contre les façades, de la peinture se fracassant contre des rideaux… Les tracts parlent du rôle de l’argent, de la force ouvrière… de la conscience ou de l’inconscience du groupe…Ils traînent des poubelles, ils les entassent…  La foule semblent trop compacte, inamovible… Ils la fragmentent… 

Les petits groupes sont plus efficaces. Ils se déplacent plus rapidement. Une guerilla urbaine. Tout semble si chaotique. Tout est si organisé. Les slogans heurtent la conscience. La révolte est cyclique, comme les dérives du progrès qui la génèrent. C’est ainsi que les groupuscules se rassemblent pour un instant flottant autour des souvenirs du pire. L’horreur de l’esclavage, de la colonisation, de l’exploitation, de la domination. 

 

Comme si l’Histoire ne devait jamais se dissoudre dans la folie du présent… Comme si la liberté et l’utopie étaient des éternelles Zone À Défendre…

 

2018

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