lundi 14 septembre 2020

Quelques mots en échos aux sons de NÂR...

 

Quelques mots en échos aux sons de NÂR...






Peut-être que l’on finit par s’habituer… peut-être que l’on accepte ce doute planant sur la réalité de l’expérience qui nous secoue… on commence à percevoir des vibrations… temporalités oubliés, réminiscence amniotiques de rythmiques prénatales... l’image est une créature. Elle bouge.  Elle occupe un volume dans l’espace. Elle est vivante. La créature est un corps. Le corps crie. Les vibrations deviennent musique… Ouvrir les yeux… l’image disparaît… Fermer les yeux… la créature apparait…

Le son se glisse dans le mouvement. Parfois on croit reconnaître des mots… peut-être Ginsberg ?... mais les langues se mélangent, des membres jaillissent, se replient… des corps s’enchevêtrent. On doute. Vision momentanément dédoublée ? Perception stroboscopique des apparences ? Sensation muybridgienne du réel ? Alors que tout s’amplifie, le plexus est traversé par un flux énergétique constant, des paysages rêvés et véritables, fantasmés ou visités s’entrechoquent derrière nos paupières fermées ou contre nos cornées humides… comment savoir ?

Le soleil sombre était deux étoiles filantes. Ses contours cuivrés ont muté en éclats d’argents. Flammes organiques incarnées par des danses ensorcelées. Poussière corporelle d’une musique ensorcelante… Comme si l’existence de l’une comblait les possibilités non réalisées de l’autre… La danse et la musique, l’air et le sol, le feu et l’eau, les éléments, les corps, les astres, les matières, les idées, les rêves, les souvenirs et les envies, les végétaux et les minéraux, tout ce qui a été nommé ou pourrait un jour l’être, tout ce qui a été pensé, vécu, écouté et oublié... Fusion télépathique de corps puissants et majestueux dans l’humidité brûlante d’un éther inconnu… Une beauté inquiétante devient un malaise bienveillant… tout se dissout... tout se disloque…

Au-delà des paysages oubliés… Les sarabandes cosmiques défient la matière… Enfermant les mystères du monde dans leurs sédiments secrets…

On ferme les yeux…

l’image s’estompe…

On les ouvre…

des corps sans ombres - à midi - sous un soleil sombre….

Dejan Gacond, janvier 2020



(pic : Mehdi Benkler)

NÂR – d’autres mots… d’autres échos…

Un drone d’une chaleur ample et désertique se propage dans l’air quand l’archer touche les cordes du guembri, puis s’enchevêtre à des couches rythmiques complexes aussitôt soutenues par un jeu de guitare venu de nulle part et une voix puissante alternant entre l’arabe et l’anglais. La guitare passe dans un ampli basse, décuplant ainsi les textures superposées qui s’en échappent.

NÂR est le projet de la musicienne libanaise Nadia Daou. Un projet qui peut prendre des formes variées selon les artistes qui la rejoigne ou qui l’accompagne. Depuis sa rencontre avec la danseuse Zora Vipera, elles fusionnent leur puissance énergétique et corporelle dans une performance poétique et intense. Un voyage sonore ensorcelé et ensorcelant dans lequel le corps devient une ondulation sonore… Une expérience hallucinatoire qui fait prendre chair à l’invisibilité du son !

Les regards sont puissants et infinis, sombres et lumineux, effrayants et bienveillants. On reconnecte avec les esprits de la nature et de la matière. Un éther moite enveloppe les spectateurs. L’aura de Nadia Daou et Zora Vipera déverse des flux énergétiques impalpables aux corps qui assistent à leur performance. La danse et la musique, les mouvements et les sons interagissent par télépathie, ils se nourrissent mutuellement sans que l’un ne soit jamais une illustration ou un accompagnement de l’autre.

Au départ elles incarnent une créature commune évoquant des divinités enfouies, des polythéismes anciens ou des planètes inconnues. La possibilité d’un dédoublement… l’histoire d’une mutation… la lente dérive des corps… la fragile évanescence des flammes… Sur nos rétines s’impriment à l’envers des images constituées de fragments rêvés et de souvenirs vécus. Avec lenteur, avec précision. Une myriade de sensations colorées mais indescriptibles s’emparent de nos êtres depuis les tréfonds de leurs fondements. Les cultures s’entrecroisent comme nos repères chancèlent…

NÂR est une expérience, un voyage, une transe… quelque part aux confins de l’inénarrable…

Dejan Gacond, janvier 2020



(pic : Mehdi Benkler)