samedi 6 avril 2013

Lésion Secrètement Dangereuse



« Nous vivons dans un temps trop excentrique pour s’étonner un instant de ce qui pourrait arriver. »
Lautréamont – Les chants du Maldoror

Iggy Pop et Keith Richard auraient donc une réserve de sang suffisante pour leur deux corps, ils fonctionneraient en circuit fermé. Uns des secrets les mieux gardés de l’histoire du rock n roll !
La fin des années soixante annonce la retombée du vent libertaire qui a soufflé quelques instants. La mort lente des instincts et la sclérose sociétale à venir. Ils ont eu peurs les salauds ! Plus jamais de rassemblements, plus jamais d’élans communautaires qu’ils disaient ! Il s’agira de gérer l’instabilité, il s’agira de capitaliser sur la contestation qui est née. 

L’année 1968 va enclencher l’horreur des utopies détruites par l’inhumanité systémique des gouvernements. Malgré Woodstock et la possibilité de changement que le festival va insuffler, malgré la révolte globalisée d’une jeunesse qui voulait autre chose, c’est dans un bain de sang que la liberté sera balayée par la répression. Martin Luther King se fait assassiner, l’armée tue des milliers de manifestants à Mexico-City et les menaces diverses des cafards métalliques en uniforme font ressembler à un champ de bataille les manifestations étudiantes. Ceux qui avaient cru en une société meilleure pouvaient se noyer dans l’amertume de leurs larmes. Heureusement il y avait la baise et le LSD ! La fuite devenue une nécessité c’est dans une débauche hallucinatoire et un éveil des sens bienvenu que les années soixante vont se terminer. Mais comme une tache de sang et un présage lugubre, une ombre maléfique plane autour des Rolling Stones. La tuerie pendant leur concert au festival d’Altamont et la mort de Brian Jones vont montrer au groupe le plus mythique du rock les dangers qu’il engendre…
C’est plus ou moins dans ce contexte-là que les vampires de la HELLVICE n’ Co ont décidé de gérer l’élan dionysiaque que la musique et les idéaux ont fait naître. Alors que meurent successivement Janis Joplin, Jimi Hendrix et Jim Morrisson, alors que Syd Barrett s’est envolé et que l’héroïne a creusé d’indélébiles sillons sur le visage céleste de Nico, les vampires mercantiles se frottent leurs mains anguleuses. Quoi de mieux que la morts des saints pour créer une religion ? Ils avaient été trop loin, ils étaient trop libres… les vampires s’en foutaient. Les martyrs étaient morts, ils pouvaient faire du rock n roll une croyance, ils pouvaient faire de chaque musicien un pasteur, de chaque fan un dévot !

Le trépas des héros pouvait cimenter la mythologie nécessaire à la foi, les vampires s’en réjouissaient, mais il leur fallait également penser à la nécessaire pérennité de leur entreprise. C’est alors qu’une miraculeuse silhouette reptilienne se distingue dans les fumées industrielles de Detroit. Un type dopé jusqu’à l’os qui gueule sans cesse :  

I'm a street walking cheater with a hand full of napalm.  

Il s’appelle Iggy Pop. 
Les vampires réagissent directement voyant en lui l’incarnation des vieux mythes qui les enrichissent. Il fallait tenir ce mec-là en vie, faire de lui un symbole. Avec les Rolling Stones qui avaient décidé de continuer, le tour était joué ! 
Keith Richard d’un côté de l’atlantique, Iggy Pop de l’autre… La HELLVICE n’ Co avait mis en place son plan ! Des énormes quantités de sang ont été prélevées sur des toxicomanes sains et conservées dans les meilleures conditions en attendant que fléchissent les corps des nouveaux apôtres. Ce qui est arrivé à partir des années 90. Mais grâce aux transfusions sanguines répétées et à un ingénieux processus d’échange de sang entre les deux corps, Iggy et Keith se portent plutôt bien, font des pubs pour des grandes marques et continuent de nourrir les fantasmes les plus étranges. Cependant les corps mutent et la qualité du sang se détériore au fil des passages à travers les deux organismes. 

Depuis la mort de William Burroughs en 1997 et grâce au génie du médecin qui lui avait prélevé une grande quantité de sang avant la fin, la HELLVICE n’ Co a pu développer le moyen révolutionnaire de faire vivre Iggy Pop et Keith Richard au moins aussi longtemps que le capitalisme. Peut-être plus longtemps ! Peut-être ils pourraient les faire vivre mille ans…

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